Editorial

Gestion de l’immigration

de Laurent Wehrli, Vice-président de l'ASPE | Dezember 2016
La nouvelle loi pour la gestion de l’immigration respecte tant la volonté populaire que l’Accord Bilatéral de la libre circulation des personnes, les soucis des milieux économiques et enfin le fédéralisme.

Lors de leur session de décembre 2016, les Chambres fédérales ont finalisé la loi d’application de l’initiative de lutte contre l’immigration de masse, votée par le peuple et les cantons le 9 février 2014.

Que contient cette loi ? Elle met en avant le principe de la préférence indigène, à savoir une action obligatoire des milieux économiques et des administrations publiques concernées pour faciliter l’engagement prioritaire de personnes déjà établies en Suisse et en recherche d’emploi. Lors de situation particulière de chômage « dans des groupes de profession, des domaines d’activité ou des régions économiques », les employeurs concernés devront ainsi annoncer les postes vacants et entendre, dans le cadre de leur procédure de recrutement, les personnes présentées par les services de l’emploi et correspondant au profil attendu. Evidemment, l’employeur n’est pas obligé d’engager quelqu’un qui ne répond pas à ses attentes ! Mais l’employeur sait aussi qu’il n’aura aucun intérêt à refuser les bonnes opportunités qui lui seront ainsi proposées. D’ailleurs, la loi permet de prendre des mesures plus contraignantes si ces propositions ne répondent pas à l’esprit de l’initiative du 9 février, à savoir la diminution de l’immigration de masse.

Cette solution retenue vise à respecter tant la volonté populaire de lutter contre une immigration trop forte que l’Accord bilatéral Suisse-Union européenne de la libre-circulation des personnes. Rappelons encore ici que l’enjeu est encore plus important, puisque les autres accords bilatéraux entre notre pays et les 28, bientôt 27, Etats membres de l’Union deviendraient caducs en cas de dénonciation de l’un d’entre eux en conséquence de la clause dite de guillotine ! Rappelons aussi que l’élaboration de cette loi permet également la ratification de l’Accord de la Libre circulation avec la Croatie et, conséquemment, le retour de la Suisse comme membre complet du programme européen de recherche « Horizon 2020 ». Les conséquences liées sont ainsi importantes.

Cette solution répond aussi aux soucis des milieux économiques de voir une application la moins bureaucratique possible. Ne nous leurrons pas, les nouvelles exigences ainsi initiées auront quand même des conséquences pour les entreprises : obligation d’annonce, obligation de recevoir dans le cadre de la procédure de recrutement, etc. Mais la formule légale retenue en définitive limite au maximum les lourdeurs des procédures.

Cette solution respecte enfin le fédéralisme. Le rôle des cantons et des régions est pleinement reconnu. Ainsi, par exemple pour les travailleurs frontaliers, les cantons pourront proposer des dispositions complémentaires à la Confédération. C’est important et utile pour une bonne application de l’initiative. En effet, la situation au Tessin n’est pas celle de Bâle, ou encore celle de la Vallée de Joux dans le Canton de Vaud ou du Bassin lémanique. Le nombre de travailleurs, les questions de logement ou de transports ne sont en effet pas les mêmes dans toute la Suisse. Ces dispositions permettront donc de prendre des décisions en fonction des réalités et de leurs différences selon les régions.

Par les décisions prises, les Chambres fédérales ont assumé l’objectif de trouver une solution pragmatique et équilibrée en regard de la Constitution suisse et permettant de poursuivre nos relations avec l’Union européenne au travers des Accords bilatéraux, tels que votés par le peuple suisse à plusieurs occasions. Ces Accords ont participé et contribuent à la dynamique de l’économie suisse et donc de la richesse de notre pays. De très nombreux emplois ont été créés ces dernières années. La libre circulation des personnes n’a pas eu de conséquence négative. Ainsi le taux de chômage est demeuré extrêmement stable, en regard des pays voisins. Faut-il encore rappeler que, très naturellement, nos échanges économiques sont d’abord réalisés avec nos voisins. A titre d’exemple, ceux rien qu’avec le Bade-Wurtemberg sont plus importants qu’avec toute la Chine, alors même que nous avons avec ce pays un Accord de libre-échange très ouvert à la Suisse ! Pas de doute : nos relations avec l’Union européenne et nos pays voisins sont indispensables au bon développement économique et à la bonne qualité de vie en Suisse !

Laurent Wehrli, Conseiller National et Vice-président de l'ASPE