Kolumne

Une solution pour assurer les acquis positifs

De Laurent Wehrli | Août 2016
Ce n’est pas simple de trouver une solution pour maintenir l’Accord sur la libre circulation des personnes et respecter la Constitution suisse et son article visant à lutter contre l’immigration de masse ! Pourtant c’est essentiel en raison des apports de cet accord pour le niveau de vie en Suisse et en regard du risque de perdre les acquis des autres accords bilatéraux.

Une solution pourrait se dessiner pour la Suisse dans sa volonté juste de respecter la Constitution fédérale et de conserver les Accords bilatéraux avec l'Union européenne, à commencer par celui sur la libre circulation. Cette intéressante proposition a été élaborée par l'ancien Secrétaire d'Etat Michael Ambühl et le Conseiller d'Etat tessinois PLR Christian Vitta. Depuis, leur idée a été avalisée par la Conférence des gouvernements cantonaux (CDC), ce qui fait que maintenant on en parle comme de la «solution des cantons».*)

Que dit cette proposition : elle entend répondre aux véritables problèmes d'immigration de masse lorsque et là où ils se produiraient réellement. Ainsi, des limitations ponctuelles en temps, régions ou cantons, et en secteurs professionnels pourraient être édictées lorsque nécessaire pour respecter l'article 121 de la Constitution fédérale visant à lutter contre l'immigration de masse. Une telle proposition serait aussi compatible avec l'Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, qui prévoit à son article 14.2 pour un des pays signataire de décider de telles limitations ponctuelles.

Tenir compte des situations particulières
Est-ce à dire que cette solution est la panacée tant recherchée ces dernières années? Si de nombreux signaux positifs tendraient à le prouver, d'autres inquiétudes ont été formulées contre cette réflexion. Certains milieux économiques se sont en effet souciés des risques de distorsion de concurrence que cela pourrait créer, notamment entre différentes régions ou secteurs professionnels de Suisse. Il s'agit évidemment d'y être attentifs. Mais le fédéralisme helvétique a démontré à l'envie qu'une des forces de notre pays a été de trouver de telles solutions adéquates et adaptées, tenant compte des situations particulières. Ainsi, la problématique des frontaliers n'est pas du tout la même au Tessin, à Bâle ou à la Vallée de Joux dans le Canton de Vaud. Pourquoi alors vouloir résoudre une telle problématique par une seule règle valable partout?

Rappelons encore ici quelques éléments importants suite à l’acceptation par le peuple et les cantons suisses du nouvel article constitutionnel 121. Il convient en effet de noter que cet article vise à lutter contre une immigration de masse et pas d’empêcher toute immigration. Il convient aussi de noter que les initiants ont toujours assuré que les mesures à prendre devaient l’être dans l’intérêt de l’économie suisse.

Fort de ces contingences, la Suisse doit élaborer d’ici à février 2017 les éléments de mise en œuvre de cet article, qui par ailleurs doivent respecter l’Accord bilatéral entre la Suisse et l’Union européenne sur la libre circulation des personnes. Faute de quoi, cet Accord pourrait être dénoncé et avec lui les autres accords bilatéraux dit du premier paquet, qui sont liés ensemble au travers d’une clause guillotine. D’aucuns pourraient penser qu’un tel abandon de ces accords ne serait pas problématique. Or, toutes les récentes études et les avis des milieux économiques sont nets et précis: Les Accords bilatéraux ont participé très clairement à la réussite économique de la Suisse de ces dernières années. Ils ont permis de conserver en Suisse des entreprises de production et de service, grâce à l’apport de main d’œuvre que la population suisse de base ne pouvait tout simplement pas assurer en nombre et qualité. Grâce aussi aux facilités de commerce et d’exportation assurées par les autres accords comme celui de la libre circulation des biens qui accorde la reconnaissance des certifications entre l’ensemble des 28 pays de l’Union européenne et la Suisse.

Même si cette solution n’est pas parfaite – mais laquelle le serait – il convient maintenant de nous concentrer sur elle et de rechercher les éléments permettant de l’améliorer encore. Une décision favorable pour cette proposition permettrait aussi de respecter le délai légal des trois ans après l’adoption de l’article 121, et, ensuite, si nécessaire, de parfaire encore les éléments mis en œuvre sur la base des premiers enseignements. Une attitude typique des qualités suisses, non?

*) Étude: Une clause de sauvegarde « bottom-up ». Auteurs : Prof. Dr. Michael Ambühl, Céline Antonini, Dr. Sibylle Zürcher