Editorial

Enfin de nouvelles négociations avec l’Union Européenne

de Laurent Wehrli Conseiller national, Vice-Président SGA-ASPE | Januar 2024
Lors de sa séance du 15 décembre 2023, le Conseil fédéral a approuvé le projet de mandat de négociation avec l’Union européenne. Le mandat contient les lignes directrices de négociation, négociations qui commenceront lorsque le mandat sera définitivement approuvé, après consultation du Parlement et des cantons.

 Après la décision unilatérale du Conseil fédéral, en 2021, d’abandonner les négociations avec l’Union européenne sur un Accord cadre permettant d’assurer la voie bilatérale, onze rondes de discussions exploratoires et 46 discussions techniques ont eu lieu avec la Commission européenne. Fort du résultat de ces dernières et des paramètres de négociations qu’il avait adoptés le 21 juin 2023, le Conseil fédéral a, dans sa séance du 15 décembre 2023, décidé un projet de mandat de négociation avec l’Union européenne. Enfin ! diront tous ceux qui sont convaincus de l’importance de la voie bilatérale pour la Suisse, son économie, ses places de travail, sa capacité innovante, bref pour sa population et son avenir.

68% en faveur

Selon la récente enquête de l’institut de sondage gfs.bern, qui s’est déroulée du 30 octobre au 15 novembre 2023, 68% des personnes interrogées considèrent que les accords bilatéraux avec l’Union européenne sont avantageux pour la Suisse et sont d’accord avec le fait de lancer de nouvelles négociations pour assurer cette relation bilatérale avec les pays voisins et principaux partenaires économiques de la Suisse.

Principaux objectifs

L’accès sans obstacle au marché de l’Union européenne est le pilier du paquet. Il s’agit d’assurer l’actualisation des accords existants et de conclure de nouveaux accords sectoriels dans les domaines de l'électricité et de la sécurité alimentaire. Ces accords permettent à la Suisse un accès durable à son plus grand marché d’exportation et l’établissement de coopérations dans des domaines très importants pour elle. Dans ce cadre, des exceptions visant à protéger les intérêts essentiels de la Suisse sont prévues. Les questions institutionnelles seront réglées directement dans les accords sur le marché intérieur.

Le paquet prévoit également un accord sur la coopération en matière de santé ainsi que la participation systématique aux programmes de l’Union européenne, notamment dans les domaines de l’éducation et de la recherche à l’exemple d’Horizon Europe et Erasmus+. Enfin, une contribution suisse régulière à la cohésion au sein de l’Union européenne fait partie du paquet.

Des réponses aux questions sensibles

 Les questions majeures qui ont empêché ces dernières années d’avancer dans la conclusion de la modernisation des Accords bilatéraux et la possibilité de leur poursuite pour le bien de la Suisse sont au nombre de quatre : les mesures d’accompagnement protégeant les salaires et conditions sociales des travailleurs en Suisse afin d’empêche le dumping salarial et social ; les aides d’Etat ; le rôle de la Cour européenne de Justice ; les conséquences potentielles de la Directive européenne sur la libre-circulation des citoyens (à ne pas confondre avec l’Accord cadre de la libre-circulation des travailleurs).

Pour toutes ces questions, le mandat décidé par le Conseil fédéral le 15 décembre propose diverses réponses adéquates. Ainsi, la protection des salaires et conditions sociales est confirmée selon le principe « même salaire pour un même travail dans le même lieu », ce qui évite le risque de dumping. Une question demeure ici ouverte, celle de la couverture des frais professionnels, mais cela est en cours de modification au sein même de l’Union européenne et sera réglé lors des négociations formelles.

L’adoption de règles sur les aides d’État est prévue dans les accords sur le transport aérien, les transports terrestres et l’électricité. Le traitement des différents sera assuré d’abord dans les comités mixtes de chaque accord sectoriel, comme cela est le cas depuis leur entrée en vigueur il y a plus de 20 ans sans que cela ne pose aucun problème à aucun partenaire suisse et européen ! En cas d’impossibilité de trouver à ce stade une solution commune, la question sera alors portée devant une cour arbitrale composée d’un juge de la Cour européenne et d’un juge du Tribunal fédéral. Bien entendu, la question du droit pertinent sera liée à la localisation du différent. Ce qui est bien normal en regard du respect de la territorialité. Au sujet de la Directive sur la libre-circulation des citoyens, des solutions ont été trouvées pour empêcher le tourisme à l’aide sociale qui est la crainte de certains milieux en Suisse, alors même qu’il n’existe pas entre les pays membres de l’Union.

Parmi ces éléments, les résultats du récent sondage précité montrent que la réintégration de la Suisse dans les programmes-cadres de recherche et d’innovation de l’Union européenne fait l’objet d’un soutien quasi unanime. Une adaptation des mesures d’accompagnement préservant le niveau de protection actuel des salaires, l’actualisation de la réglementation sur les prescriptions relatives aux produits, un accord sur l’électricité avec l’UE et la possibilité d’une reprise dynamique du droit bénéficient également d’un très large soutien. En outre, la création d’un mécanisme de règlement des différends avec un tribunal d’arbitrage paritaire est clairement soutenue. Enfin, la reprise partielle de la directive sur la citoyenneté européenne, qui permettrait à des citoyens de l’UE disposant d’un contrat de travail d’obtenir des prestations sociales, polarise l’électorat, même si une courte majorité de 53%, l’accepterait tout de même.

En avant !

Il est largement temps de reprendre les négociations formelles avec l’Union européenne et de les conclure, si possible avant les élections européennes de juin 2024 et la constitution de la nouvelle commission. Le mandat décidé par le Conseil fédéral et mis actuellement en consultation apporte des réponses positives aux objectifs et questions majeurs. Il convient maintenant que les milieux concernés répondent positivement à cette consultation et que le Conseil fédéral anime rapidement ces négociations. Les décisions se prendront ensuite, sur la base des résultats et pas avant sur la base de rumeurs comme un syndicat le propose !

Nous partageons une histoire et des valeurs communes avec nos voisins européens. La voie bilatérale a démontré combien elle est utile et profitable, bien plus que l’Accord de libre échange de 1972 prôné par un certain parti politique comme étant la bonne solution pour la Suisse ! Non, la bonne solution, aujourd’hui, est la voie bilatérale mise à jour et couvrant les nouvelles priorités nécessaires. Alors, allons de l’avant, sans peurs inutiles et de manière volontaires pour notre avenir commun avec nos voisins et principaux partenaires.