Kolumne

2020 : Le retour du soft power

von Gilbert Casasus | Januar 2021
Partiellement délaissées ces dernières années du champ des relations internationales, les études du soft power ont connu, Covid oblige, un regain d’intérêt en 2020. Même si certains États prétendent avoir su maîtriser mieux que d’autres la crise sanitaire, leur image de marque a largement souffert de leur passivité.

La faillite du système de santé des États-Unis n’a rien à envier au mépris dont le président brésilien Jair Bolsonaro a fait preuve envers les populations les plus démunies. De même, la Grande-Bretagne, d’ores et déjà confrontée aux affres précurseurs du Brexit, a maintes fois souffert des tergiversations sanitaires de son Premier ministre. Enfin, quelques pays tiers, qui jusqu’alors n’avaient fait guère parler d’eux, ont plongé dans le faux-semblant, pour ne pas dire dans le déni. C’est notamment le cas de la Suède dont le modèle, pourtant adulé il y a quelques mois dans les colonnes de nos journaux les plus réputés, a lamentablement échoué.

La Chine – vainqueur de la pandémie ?
Mais, c’est la Chine qui retient, au premier chef, l’attention. Apparemment fière d’avoir su endiguer la pandémie, elle se félicite de sa « diplomatie des masques » et de celle de ses vaccins qu’elle compte offrir à bas prix à certains pays africains et asiatiques. Quoique l’intention semble louable, celle-ci ne met pas fin aux doutes qui entourent l’attitude pour le moins ambiguë des autorités chinoises. Ayant volontairement tu durant l’automne 2019 le déclenchement de l’épidémie à Wuhan, elles l’ont laissé se propager, sans en informer le reste du monde. De peur que son modèle de société en pâtisse, Pékin a mis en danger sans vergogne la vie de millions d’hommes et de femmes. Profitant en cela d’un langage en vogue depuis près de vingt ans, la Chine a tiré les marrons du feu de la crédulité complaisante des milieux commerciaux et économiques occidentaux ou autres. Obnubilés par l’appât du gain et par celui de monnaies sonnantes et trébuchantes, ceux-ci se sont rendus complices de la dictature communiste. À ces derniers, grand mal leur a pris, car aujourd’hui c’est le reste de la planète qui en paye le prix fort.

Désormais, « l’empire du Milieu », qui plus que jamais est devenu « l’empire du mensonge », ne devrait plus inspirer la moindre confiance. Ses images de jeunes faisant la fête dans les discothèques de la capitale du Hubei relèvent au mieux de la propagande du Parti communiste chinois, au pire d’une opération de déstabilisation internationale auxquelles seuls les idéologues de la spéculation ou quelques faibles d’esprit accordent leur croyance. Quant aux autres, ils s’interrogent à bon escient sur le nombre, des centaines de milliers, voire plus, de victimes chinoises dues à la Covid, sachant qu’ils n’obtiendront jamais la moindre réponse en la matière.

Tomber les masques
Comble de l’ironie, la Chine risque de sortir vainqueur de cette épreuve. Toutefois, et le jeu de mots s’y prête, elle a fait tomber les masques. Le regard porté sur elle a changé. On ne l’admire plus, mais on la craint. Elle ne sera plus le partenaire que l’on espérait qu’elle fût, mais un concurrent beaucoup plus dangereux que celui que l’on avait trop longtemps sous-estimé. Son image s’est aujourd’hui largement détériorée et nul ne devrait s’en plaindre. Ni le footballeur Antoine Griezmann qui a eu le courage de rompre son contrat avec Huawei pour protester contre le sort réservé aux Ouïgours, ni toutes celles et ceux qui condamnent, comme il se doit, la répression exercée à Hong-Kong. En ce sens, le soft power a pour avantage de servir de correctif pour les relations internationales. Conformément à son nom, son pouvoir demeure moindre, mais son influence est certainement plus grande que celle admise il y a encore moins d’une année. Instrument du « faible au fort », le soft power a indéniablement gagné du galon en 2020. Nul gouvernement ne peut aujourd’hui en faire abstraction, qu’il soit celui d’une puissance planétaire ou d’un plus petit pays, comme la Suisse.

La Suisse pourrait se montrer plus humble
À cet égard, le Conseil fédéral aurait tort de traiter à la légère les critiques extérieures adressées à l’encontre de sa gestion lors de la seconde vague de la Covid. Exprimées dans des médias aussi sérieux que Le Figaro, Le Monde, La Süddeutsche Zeitung, der Spiegel, la ZDF ou France Télévisions, pour ne prendre que des exemples de la presse allemande ou française – cela concerne aussi d’autres pays -, elles reflètent une perte de confiance dans un système qui s’est peut-être présenté comme un peu trop exemplaire. L’affaire de l’ouverture des stations de ski et celle du libre accès aux remontées mécaniques a fait couler beaucoup d’encre au-delà de nos frontières. Incontestablement, ces décisions n’ont pas profité aux positions défendues par la Suisse. Souvent présentée comme une mauvaise élève de la lutte contre la pandémie, celle-ci aurait alors tout intérêt à gommer cette égratignure portée à son excellence légendaire.

Toutefois, toute comparaison entre la Confédération helvétique et la Chine est à bannir d’un rapide trait de plume. L’une a prouvé qu’elle est une démocratie, l’autre une dictature. En revanche, Berne pourrait se montrer plus humble à l’égard de l’Union européenne. En danger encore au mois de mars dernier, selon les mots mêmes de son ancien président de la Commission Jacques Delors, celle-ci a su faire face à une crise qui aurait pu mettre en péril son existence. Au prix d’efforts jamais consentis jusqu’alors en matière budgétaire, prête à rompre avec ses propres tabous à propos de la mutualisation de la dette, elle a été à la hauteur de l’événement. Bénéficiant également du succès de sa présidence allemande, l’UE a fait de 2020 une année à marquer d’une pierre blanche. Ainsi, l’Union européenne a fait un grand pas en avant. Mais, ses ressortissants ne s’en sont pas encore rendu compte, pas plus que la Suisse d’ailleurs !